[Vidéo] le séminaire « (Se) former en situation de travail » Obs. des Cadres et du Management

LLogo Observatoire des cadres‘observatoire des cadres et du management a organisé le jeudi 24 janvier 2019 un séminaire de retour d’expérience sur le programme FEST ( Formation en situation de travail) . Un article de Anne Lise Ulmann sur la plateforme EPALE sur le sujet avait été diffusé ici. 

Dans son introduction Anne-Lise Ulmann cite Patrick Mayen ( Président de RPDP ) à propos en particulier des situations de travail qui possèdent ou ne possèdent pas de « forts potentiels d’apprentissage ». Patrick Mayen soulignait également l’importance des changements réglementaires pour la conception de formations à ce sujet lors de ses voeux aux adhérents de 2018.

« Toutes les situations de travail ne sont pas, ou difficilement, transformables en situation « apprenantes ». Aujourd’hui, après une phase d’expérimentation, les AFEST (Actions de Formation En Situation de Travail) passent à l’échelle, avec un cadre réglementaire qui a évolué avec la loi de septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel. 2019 sera l’année du déploiement. Cela questionne la capacité de l’encadrement à porter concrètement le rôle que l’on souhaite lui faire jouer. Dans quelle mesure et à quelles conditions peut-il répondre ? Sur quels appuis peut-il compter ? #TravailFormateur

« 

Une vidéo chapitrée est proposée, il suffit de cliquer sur les titres du programme du séminaire sur cette page pour lancer la vidéo et y accéder directement.

http://www.observatoiredescadres.fr/video-revivez-le-seminaire-se-former-en-situation-de-travail/Philippe Inowlocki, psychologue social

5ième colloque de Didactique Professionnelle en oct 2019 : former et développer l’intelligence professionnelle

FORMER ET DÉVELOPPER L’INTELLIGENCE PROFESSIONNELLE

 

L’association Recherches et pratiques en didactique professionnelle et la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, en collaboration avec l’UQAM, l’UQAR, l’UQAC et l’UQAT, ont le plaisir de vous inviter à participer au 5e colloque international de didactique professionnelle. Après Dijon, Nantes, Caen et Lille, ce colloque se tient pour la première fois au Québec.

En didactique professionnelle, un professionnel compétent est un professionnel intelligent. Autrement dit, il pense avant de faire, il pense quand il fait et il pense après avoir fait, en examinant le résultat de son travail. L’enjeu de la formation professionnelle se situe donc à ce niveau : accompagner la construction et le développement de l’intelligence professionnelle.

Argumentaire du colloque 

Former et développer l’intelligence professionnelle

Trois thématiques principales :

1. Le développement de l’intelligence au travail et en formation professionnelle

2. L’intelligence professionnelle et les adaptations

3. La dimension affective de l’intelligence professionnelle

Comment soumettre une proposition de communication ? 

Soumettre une communication

Comment contacter  le comité d’organisation ?

Comité d’organisation

Bibliographie du colloquePhilippe Inowlocki, psychologue social

Recrutement :un.e INGÉNIEUR.E DE RECHERCHE Projet ANR VIRTUALZ

L’Université de Lille (Laboratoire CIREL-Sciences de l’Éducation) recrute un.e INGÉNIEUR.E DE RECHERCHE (agent contractuel temporaire à temps plein) dans le cadre du Projet ANR VIRTUALZ:

“Outil de simulation avec patient virtuel pour la formation des professionnels de santé et du secteur médico-social travaillant auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démences apparentées”.

MISSION:
L’ingénieur.e recruté.e participera en appui à la recherche, dans le cadre du projet VIRTUALZ, à l’analyse de besoins de formation et à l’analyse de situations d’apprentissage à l’aide de la simulation informatique (volet Sciences de l’Éducation- Formation des adultes). Le candidat.e doit au minimum être titulaire d’un diplôme de niveau master 2 ou équivalent dans les domaines suivants : Sciences de l’Éducation (en priorité), Ergonomie, Psychologie, Anthropologie, etc.

La personne recrutée sera placée sous la responsabilité de Raquel Becerril-Ortega, responsable scientifique et membre du laboratoire Trigone-CIREL.

Pour en savoir plus téléchargez la fiche de poste

Philippe Inowlocki, psychologue social

Projet financé par l’industriel Blédina, un stage 6 mois en didactique professionnelle.

L’institut Technique de l’agriculture biologique propose un stage d’une durée de 6 mois pour une personne inscrite en Master 2 en sciences de l’éducation et ingénierie de la formation avec un intérêt pour la démarche de la didactique professionnelle. 

LIEU ET CONDITIONS DE STAGE

  • Commanditaire : Catherine Decaux, directrice de l’ITAB
  • Encadrement (tuteur d’entreprise) : Stéphanie MOTHES, ITAB – Co-encadrement : Marianne CERF, INRA
  • Organisation : le stagiaire est intégré à l’équipe Agronomie et Systèmes. L’organisation de son travail (partie en présentiel et partie à distance) est à décider en fonction des attentes/possibilités du stagiaire.
  • Déroulement : démarrage possible entre janvier et juin 2019, durée 6 mois
  • Adresse ITAB : site de Gotheron, Saint-Marcel-Lès-Valence, Drôme
  • Durée : de novembre 2018 à mai 2019

Contexte du stage :

Depuis septembre 2018, l’ITAB est impliqué dans un projet multi-partenarial (projet ABSOLu) au côté d’un acteur majeur de l’agroalimentaire afin de proposer à cet acteur (Blédina) et ses fournisseurs un dispositif d’accompagnement au changement. L’entreprise agro-alimentaire se fournissant aujourd’hui essentiellement de fruits et légumes cultivés en agriculture conventionnelle s’est donné pour objectif d’ici deux ans de se fournir à 80% en France de fruits et légumes cultivés en agriculture biologique dans le respect de la qualité du sol, ce qui représente une difficulté technique supplémentaire pour les agriculteurs fournisseurs de l’entreprise. Ces derniers ont donc besoin d’être accompagnés dans cette transition et notamment, d’acquérir des compétences en agriculture biologique et en gestion de la qualité du sol. Les conseillers agricoles qui les accompagnent au quotidien dans leur métier ont ainsi eux aussi besoin d’être formés afin d’être en mesure d’accompagner les producteurs sur ces questions. Plusieurs travaux de recherche montrent en effet que le passage en agriculture
biologique nécessite un changement de posture très important de la part de l’agriculteur, et du conseiller qui l’accompagne.
De fait, l’objectif du projet ABSOLu est de proposer un dispositif d’accompagnement des conseillers agricoles qui accompagnent les producteurs dans leur passage à l’AB avec un souci de maintien de la qualité du sol. C’est dans ce contexte précis que l’ITAB souhaiterait sollicite un stage de Master 2 en ingénierie de la formation.

Plus d’infos sur la fiche de stage en PDF

Contact Stéphanie MOTHES

Chargée de mission Agronomie et Systèmes

ITAB – Institut Technique de l’Agriculture Biologique

Ferme Expérimentale, 2485 Route des Pécolets, 26 800 Etoile sur Rhône

Tél. : +33 (0)6 83 99 89 59

@ : stephanie.mothes@itab.asso.fr 

Philippe Inowlocki, psychologue social

Parution de " Analyses de l’activité "

L’évènement a été annoncé par Christine Vidal-Gomel sur le site de RPDP : la disponibilité en librairie le 20 avril 2018 de l’ouvrage collectif rédigé sous sa direction : « Analyse de l’activité  » aux Presses universitaires de Rennes. Nous adresserons certainement quelques questions à Christine sur le projet de livre dans les prochains jours ( Et nos félicitations aux auteurs) ! 

Quatrième de couverture :  » Depuis le milieu des années 90, l’analyse de l’activité de travail s’est imposée comme un moyen pertinent pour concevoir des formations professionnelles.
Issues de l’ergonomie, de la didactique disciplinaire et professionnelle, les analyses proposées dans cet ouvrage éclairent sous différents angles et à différents niveaux d’analyse la conception de formation. Ces recherches ont été menées dans les secteurs de l’éducation, de l’aéronautique, de la conduite automobile, et de l’agroalimentaire.

L’analyse de l’activité est ici d’abord utilisée pour examiner les relations d’enseignement-apprentissage en situation, en portant attention au contenu de l’enseignement ou de la formation, et comme moyen de la formation. La formation conçue articule ainsi fortement les connaissances issues de l’action en situation et les connaissances théoriques, qui deviennent de nouveaux outils pour agir et ouvrir des possibilités nouvelles d’interprétations des situations et de transformation de leur propre activité par les acteurs.

L’analyse de l’activité est aussi utilisée pour analyser le travail en amont de la formation et au cours de la formation. Cette fois les travaux soulignent que pour former de futurs professionnels il faut non seulement disposer d’un modèle de ce que sont la formation et l’apprentissage mais aussi de ce qu’est le travail « réel », ce qu’il exige et quelles en sont ses conséquences.

Le travail réel à prendre en compte est aussi bien celui des formés à l’issue de la formation que celui des formateurs. Il comprend alors également l’environnement technique, social, organisationnel et les relations d’enseignement-apprentissage.
Ces deux niveaux d’analyse prennent en compte la nécessité de donner aux professionnels les moyens d’apprendre pour réaliser un travail de qualité et de construire leur santé au cours du temps. »

Plan du livre

  • Analyser l’activité pour contribuer à la conception/transformation de formation
  • Concevoir des formations à partir de l’analyse de l’activité : comment ?
  • Analyser l’activité de conception des formateurs pour transformer/concevoir des formations

Liste des auteurs

Sophie Aubert, Joffrey Beaujouan, Nathalie Blanc, Vincent Boccara, Dominique Cau-Bareille, Céline Chatigny, Fabien Coutarel, Catherine Delgoulet, Yannick Le Marec, Grégory Munoz, Sylvie Ouellet, Nicole Vézina, Christine Vidal-Gomel, Olivier Villeret, Janine Rogalski.
Texte d’introduction

Philippe Inowlocki, psychologue social

L’analyse des pratiques professionnelles dans les métiers relationnels

Le professeur Habboub El Mostafa  (Université Hassan II, Casablanca Maroc et Université de Sherbrooke, Canada) nous annonce la parution aux Presses Universitaires du Québec de l’ouvrage collectif : »L’analyse des pratiques professionnelles dans les métiers relationnels  » sous la direction de Anderson ARAÚJO-OLIVEIRA, Isabelle CHOUINARD, Glorya PELLERIN et dont l’évaluation internationale des publications ( Brésil, Colombie, France, Suisse, Turquie, Québec et autres provinces du Canada ) a été assurée par environ 24 chercheurs dont Otilia Holgado et Patrick Mayen de RPDP. 

Vous trouverez l’introduction et le plan détaillé ici en PDF

Plan du livre 

Partie 1 / LA LOGIQUE DU SYSTÈME

Chapitre 1 / La didactique professionnelle en enseignement et en formation à l’enseignement : les finalités, les fondements et les modalités.
El Mostafa Habboub

Chapitre 2 / L’écrit réflexif dans les séminaires de stage en travail social. 
Manon Chamberland, Grace Chammas, Josée Chénard, Josée Grenier, Annie Devault, Lise St-Germain et Sylvie Thibault

Chapitre 3 / Au nom de l’excellence : discours organisationnel et pratiques de gestion qui banalisent la souffrance et la violence au travail y compris dans les entreprises inscrites sous le label Great Place to Work
Fernando de Oliveira Vieira, Cristiane do Vale Maia et Lorena Esteves de Oliveira

Partie 2 / LA LOGIQUE DE L’ACTEUR

Chapitre 4 / Les travailleurs sociaux et la régulation de leur pratique en contexte de réseau de services intégrés destinés aux aînés

Dominique Gagnon

Chapitre 5 /
La supervision de stage comme métier : analyse de pratiques de superviseurs universitaires axées sur le développement d’une perspective didactique chez le futur enseignant. 
Lily Bacon, Glorya Pellerin et Anderson Araújo-Oliveira

Chapitre 6 /
Formation des enseignants et stages supervisés : points de rencontre à l’école maternelle.
Eliana Ayoub

Partie 3 / LA LOGIQUE DE L’ACTION
Chapitre 7 / Les processus médiateurs dans la pratique professionnelle du travailleur social : logiques, sémantiques et enjeux. 
Isabelle Chouinard

Chapitre 8 /
Le processus de problématisation dans l’enseignement des sciences humaines et sociales au primaire.
Anderson Araújo-Oliveira

Chapitre 9 /
L’autovidéographie pour soutenir la pratique réflexive de futurs enseignants du primaire.
Glorya Pellerin, Maria-Lourdes Lira-Gonzales, Anderson Araújo-Oliveira et Simon Collin

Chapitre 10 /
Les pratiques professionnelles dans les métiers relationnels : les angles d’approche, les problématiques et les enjeux. 
Isabelle Chouinard, Anderson Araújo-Oliveira et Glorya Pellerin


Vous trouverez l’introduction et le plan détaillé ici en PDF

Philippe Inowlocki, psychologue social

Remise du rapport sur la recherche en éducation de l’Alliance Athena

La publication en quelques mois de plusieurs textes consacrés, plus ou moins directement, à la recherche sur l’éducation, constitue un phénomène encourageant pour un secteur qui n’avait pas suscité d’intérêt particulier de la part des responsables politiques depuis plusieurs années.

Le rapport des alliances Athéna et Allistene La recherche sur l’éducation, éléments pour une stratégie globale, remis le 18 avril 2017 au gouvernement, a l’ambition de montrer la diversité des travaux actuellement engagés dans la recherche sur l’éducation, afin d’établir un dialogue fécond avec la puissance publique.

En s’appuyant sur des données et cartographies fournies par l’Observatoire des sciences humaines et sociales, le tome 1 met en lumière, avec précision, la structuration actuelle et les évolutions récentes des activités scientifiques de la recherche en éducation en France.

Le tome 2 du rapport regroupe les contributions de plus de 80 scientifiques de renom. Il dessine un panorama concret des sujets majeurs pour notre société : politiques éducatives, formation professionnelle des enseignants, décrochage scolaire, processus cognitifs, numérique.

Pour lire le rapport 

 http://www.allianceathena.fr/actualite/remise-du-rapport-sur-la-recherche-en-ducation

Contexte

Le 29 mars 2016, Thierry Mandon a rassemblé rue Descartes plus d’une centaine de chercheur.e.s d’origine disciplinaire très différente avec, pour objectif, d’ouvrir un dialogue fécond auprès d’une communauté scientifique dense, dispersée sur le territoire et nécessitant plus que jamais des lieux d’échanges mettant en débat méthodes, résultats et connaissances produites. Fin octobre 2016, il commandait à l’Alliance ATHENA des éléments de réflexion stratégique consacrés à la recherche sur l’éducation et la formation.

Missions

L’alliance participe à l’élaboration des positions scientifiques françaises aux niveaux international et européen (Horizon 2020, programmes cadres de l’Union européenne…), aux stratégies nationales et aux exercices de programmation de la recherche (ANR, PIA…).

Rassemblant le CEA, la CGE, la CPU, le CNRS, l’IRD, l’Ined, l’Inra et l’Inserm, l’alliance soutient les actions de ses membres dans l’élaboration des politiques publiques en privilégiant une vision ouverte des sciences humaines et sociales (SHS), construite dans un dialogue avec les communautés scientifiques.

Philippe Inowlocki, psychologue social

DEVCO Academy portail e-learning

La commission européenne lance un nouveau portail de formation en ligne DEVCO consacré au DEVeloppement et à la COopération.
Cette plateforme gratuite vise à couvrir un grand nombre de sujets concernant les politiques de développement, les thématiques clef, les approches méthodologiques et le management des finances. Les ressources d’apprentissage de la plateforme seront proposées en association de quatre formats différents : des cours en ligne, des webinars, des vidéos et des documents.
This new public platform provides free access to DEVCO’s learning resources covering a wide range of relevant topics, including development policies, thematic areas, methodological approaches and financial management. The learning resources on the platform come in four different formats: e-learning courses, webinars, videos and documents. https://webgate.ec.europa.eu/devco-academy/
Philippe Inowlocki, psychologue social

Entretien avec Etienne Wenger : Genèse et perspective des communautés de pratique

Genèse et perspective des communautés de pratique

 

La revue de l’université Paris 8 en sciences de l’éducation : « Pratiques de formation. Analyses » sous la direction de Le GRAND J.-L., VERRIER, C,  a publié une synthèse rare et difficilement disponible en langue française du paradigme des Communauté de Pratique élaboré par M. Etienne Wenger et Mme Jean Lave, son histoire et les évolutions de leurs travaux. Le numéro est accompagné d’un interview d’Etienne Wenger par Vincent Berry, Maître de conférences à l’Université Paris XIII que nous reproduisons ici pour l’intérêt des échanges et la clarté des définitions de la notion de communautés de Pratique.

Entretien

Entretien avec Etienne Wenger [1]

Nous pourrions commencer cet entretien en évoquant la genèse de vos théories sur l’apprentissage. L’analyse que vous développez avec Jean Lave dans Situated learning consiste à présenter l’apprentissage comme un processus de participation légitime périphérique à ce que vous appelez des communautés de pratique.

En fait, la notion de participation légitime périphérique a précédé la notion de communautés de pratique. Avec Jean Lave, nous avions commencé à étudier des formes l’apprentissages, au sens d’ apprenticeship, des formes d’apprentissages traditionnels, et nous avions observé que, dans le cadre de ces formes d’apprentissage, vous n’aviez pas simplement une relation avec un maître, Comme on pense souvent l’apprentissage, mais vous aviez une relation avec d’autres apprentis autour du maitre formant une communauté qui propose une sorte de curriculum vivant et qui est dans le monde social. Les nouveaux venus commençaient d’abord à être à la périphérie de la communauté, puis, au cours de leur apprentissage, devenaient des membres à part entière, On a appelé ça une communauté de pratique, c’est un concept qui fonctionnait bien pour analyser ce type d’apprentissage et c’est comme ça que le concept est né.

La notion  de communautés de pratique a d’abord été inventée pour pouvoir parler du contexte dans lequel ce processus de participation se passait.

Une fois que nous avons eu ce concept, nous avons commencé à observer ce processus dans d’autres circonstances  où il n’y avait pas d’apprentissages « officiels ». Cela nous a permis d’observer les choses de manière un peu différente en particulier dans les entreprises où vous avez un organigramme qui définit des relations formelles et puis des communautés de pratiques qui forment une sorte de réseau, je ne veux pas dire souterrain car ce n’est pas aussi caché que cela, mais disons un réseau auquel on porte moins d’attention parce qu’il ne correspond pas à ces organigrammes, il ne correspond pas à des relations strictement organisationnelles.

Des collègues ont ensuite mené des études dans les écoles et ont commencé à observer des communautés se formant dans des groupes d’amitié et qui avaient des implications sérieuses sur ce que les enfants apprenaient. Ce ne sont pas seulement des groupes d’amitié mais des groupes d’enfants qui apprennent à vivre dans l’école d’une certaine façon, à avoir une certaine attitude vis-à-vis l’apprentissage officiel de l’école.

Donc, de votre point de vue, tout apprentissage est  nécessairement lié à une communauté de pratique ?

Il implique une relation directe ou indirecte avec une ou plusieurs communautés de pratique. Il faut d’abord préciser que le genre de théorie dont je m’occupe, c’est d’abord des théories sociales de l’apprentissage et pas nécessairement des théories de l’apprentissage social.  Il est vraiment important de faire la distinction. Certaines personnes lisent mes travaux et se disent : « il faut que les enfants apprennent toujours en groupe, etc. », ce n’est pas ce genre de théorie, c’est vraiment une théorie qui se relie plus à la théorie sociale qu’à Ia psychologie de groupe. Pour moi, un ermite par exemple est quelqu’un qui fait un acte social parce que donner sens à « être un ermite », c’est un acte de participation dans des contextes culturels où être un ermite à un sens. Ainsi la pratique est plus conçue comme un contexte d’interprétation du monde que simplement de; relations et des. Interactions entre les gens. Maintenant, les relations et les interactions entre les gens sont importantes, donc l’aspect de communauté est aussi important mais il n’y a pas de contradictions fondamentales entre l’idée que l’on apprend aussi quand on est seul et l’idée que l’on est fondamentalement des êtres sociaux qui utilisons des contextes culturels, historiques et sociaux comme des cadres d’interprétations de nos vies. Quand nous sommes au sein d’une communauté qui interagit, on s’approprie la pratique de cette communauté mais de façon individuelle.

De quelle tradition ressort votre notion de pratique ?

La notion de pratique telle que nous l’employons avec Jean Lave, c’est une façon de parler de l’action humaine comme située dans un mode structuré socialement sans toute fois être déterminée par cette structure. Elle vient de gens comme Pierre Bourdieu et d’une tradition « néo-marxiste » marquée par l’anthropologie,  et par l’influence de la signification développée dans le symbolisme d’un groupe. Ce n’est donc pas seulement le côté utilitaire du marxisme traditionnel mais c’est aussi l’aspect collectif et culturel de l’anthropologie, une sorte de confluence de ces deux influences, Pierre Bourdieu est une influence énorme pour moi et la notion d’habitus est une notion très désirable dans le sens où c’est une façon de parler «d’incorporation » de la culture et de l’identité dans une façon d’être. Maintenant, j’ai toujours un peu de peine moi-même à détacher l’habitus d’une vue structurale du monde. L’idée qu’il y ait une sorte d’habitus de la classe ouvrière en France, c’est peut-être observable à un niveau général mais cela devrait être compris à un niveau plus personnel de l’engagement. Et vous avez des gens comme Paul Willis en Angleterre qui pensent que la reproduction des classes sociale ne peut être conçue seulement à un niveau structural mais qu’il faut essayer de comprendre comment dans la pratique — la pratique locale — les enfants d’ouvriers se retrouvent dans les mêmes conditions que leurs parents. On ne peut pas assumer une théorie structurale des classes sociales, d faut aller voir ce qu’il se passe dans la pratique et c’est là que la notion de communauté de pratique est une notion intermédiaire utile entre les grands mouvements historiques et culturels et la personne,

Vous situez en effet votre théorie de l’apprentissage entre ce que vous appelez les théories de la structure et les théories de l’expérience située.

Il est vrai que pour moi en tant que théoricien, j’essaie de ne pas être structuraliste et ce n’est pas toujours facile. Même des gens comme Foucault qui se défendent d’être structuralistes le sont de temps en temps. Le structuralisme a un pouvoir d’explication qui est grand. Si l’on arrive à réduire l’expérience humaine à des structures, on est capable d’expliquer beaucoup de choses. Il est vrai également que dans toutes les communautés, il y a des genres,  des hommes, des femmes, des divisions assez fondamentales. Mais avec les communautés de pratique, j’essaie de montrer qu’il y a des structures intermédiaires, des structures que les gens forment et auxquelles ils participent activement qui servent d’endroit de négociations, de relations entre la structure et l’acteur, mais qui sont plus proches de l’acteur que des structures au niveau  de la culture ou de la société. Les communautés de pratiques sont des espaces de négociation, et il se peut que cette négociation amène à la reproduction d’une structure, mais ce n’est pas une structure qui se reproduit d’elle-même. C’est aussi ce’ que la théorie de la structuration de Giddens apporte. Mais ce qui manque à la théorie de la structuration de Giddens c’est une théorie de l’apprentissage. Comment devient-on une personne qui contribue à ce processus situé entre la structure et « l’agency [2]»? Dans quel contexte d’engagement cela est-il possible ?

Comment identifier une communauté de pratique ?

Il vous faut repérer l’ensemble des gens qui, à travers leur connexion, arrivent à développer dans un domaine bien précis une pratique c’est-à-dire une série de « façons de faire », de connaissances formelles et informelles, tacites et explicites, qui leur permettent d’accomplir ce qu’ils veulent accomplir. La notion de pratique ici est un système de significations et de compétences qui permet aux membres de la communauté ainsi définie d’accomplir quelque chose. Et, les entrées que je propose pour repérer une communauté de pratique (répertoire partagé, entreprise commune, relations mutuelles soutenues) sont des questions à poser. Quand vous regardez une école, par exemple, c’est une perspective qui va vous faire poser certaines questions. Quelles sont les pratiques ? Qui participe ? Qui décide ? Où sont les discontinuités ? Qui sont ceux qui ont des appartenances multiples ? Ce sont ce type de questions que  cette perspective théorique vous amènerait à poser plutôt que d’avoir des réponses pré-établies par la structure de l’institution. Ce n’est pas quelque chose qu’il faut affirmer mais vérifier en pratique.

Il s’agit vraiment de lier une théorie de l’apprentissage à une théorie sociale, c’est-à-dire d’une part la rattacher à la théorie sociale avec des concepts importants comme pratique, identité, communauté, pouvoir, institution, etc. mais aussi contribuer à la théorie sociale par une théorie de l’apprentissage qui permet de trouver les points d’entrée dans le processus de formation des structures sociales.

Ce qui est important de comprendre c’est que la notion de communauté de pratique est plus une question qu’une réponse. Est-ce qu’une famille est une communauté de pratique ? On ne peut pas répondre à cela dans l’absolu, c’est une entrée dans l’analyse. Certaines familles sont des communautés de pratiques, d’autres n’en sont pas car elles développent peu de pratique locale.

Tout apprentissage est lié à la question de l’identité ?

Une communauté de pratique projette des identités, mais elle fournit également des outils pour nous, projeter dans le monde. Par exemple, dans le service de réclamation que j’ai étudié dans mon livre « Communities of Pratice », les membres utilisaient leur communauté locale en partie pour échanger des informations et pour faire le travail mais aussi comme un système médiateur de leur interprétation, par exemple, des relations entre eux et la compagnie. Je me souviens d’un lundi, lorsque j’étais dans cette communauté, nous étions arrivés au travail et il se trouvait que l’une des employées avait critiqué la compagnie le samedi précédent à la radio et s’était fait mettre à la porte. Alors les conversations intenses montraient bien que la communauté était un moyen d’interpréter cet événement et de discuter la question de savoir si cela était juste, légal, etc. Clairement, le domaine de la communauté n’était pas seulement « comment est-ce qu’on peut faire le travail ? » mais aussi « quelles sont nos relations avec la compagnie ? », « qu’est-ce que cela veut dire ? » etc. La communauté locale devenait un processus de négociation de leur identité en tant que travailleurs.

D’ailleurs, lorsque vous analysez cette communauté de pratique vous montrez comment cette communauté résiste aux demandes institutionnelles. Résister à une pratique fait partie de la pratique ?

Tout dépend de ce que l’on appelle «résister à une pratique ». Ce à quoi ils résistent, c’est à un contexte institutionnel qui veut déterminer une certaine pratique. Il s’agit là plus d’une résistance à une image de la pratique projetée par l’institution qu’à la pratique elle-même. Le problème est que l’image de la pratique qu’elle projette dans le, monde n’est pas praticable. C’est comme ça d’ailleurs qu’arrivent certaines grèves, des «strikes by the book » (des grèves par le livre). En Suisse par exemple, lorsque j’étais enfant, quand les douaniers voulaient faire grève alors qu’ils n’en avaient pas le droit, ils exécutaient la pratique telle qu’elle est décrite dans le livre, ils suivaient les instructions au mot, à la lettre, ce qui fait que vous aviez des colonnes de voitures qui attendaient pour entrer en Suisse. Ceci est vrai également pour la compagnie d’assurance. S’ils suivaient  exactement les instructions qu’on leur avait données, ils n’arrivaient pas à accomplir le travail. Mais il ne faut pas non plus trop «romancer » ces résistances, cela ne se transforme pas en une politique libératrice à grande échelle. Mais la notion de communauté de pratique implique des relations sociales d’apprentissage dans l’action qui créent une rupture entre la définition d’un processus et sa réalisation dans la pratique. Cela crée un « espace » pour une identité qui n’est pas complètement définie par une institution.

Donc pour vous, l’identité est liée à la pratique ?

La question des modes d’appartenance à une communauté de pratique dont je parle dans mes travaux suggère que l’identité n’est pas seulement une question de pratique mais aussi d’imagination. La notion de communauté imaginée c’est une notion que Benedict Anderson a développée pour expliquer le début de la création des nations européennes. On s’imagine allemand, on s’imagine français alors qu’auparavant on était plutôt défini par le suzerain dont on dépendait. Pour Benedict Anderson, les journaux ont créé une imagination nationale. Ces processus d’imagination sont extrêmement importants quand on commence à se poser des questions sur les relations entre apprentissage et identité. Imaginer un monde dans lequel une identité fonctionne est un processus d’identification très important.

Mais dans quelle mesure l’identité ne serait pas une fiction, voire une illusion ?

Savoir si l’identité est une fiction, ou une illusion, c’est une question qui se pose seulement s’il y a une alternative. Qu’est-ce qu’une identité réelle ? Une identité est toujours construite. Elle est réelle dans la mesure où elle est vécue mais également dans la mesure où elle est négociée. L’identité est quelque chose qui se construit mais qui ne se construit jamais dans le vide. Si je  veux tout à coup avoir une identité de femme, alors que je suis un homme, cela va me demander du travail. Quand je dis que les identités sont construites, cela ne veut pas dire que l’on fait ce que l’on veut, il faut qu’il y ait un accord social. L’identité est donc un processus social. Il y a des titres que la société a créés, par exemple, si vous voulez être médecin. Il y a des chemins précis qu’on vous demande suivre pour vous donner une identité.

Il y a aujourd’hui plus de pression sur la question de l’Identité parce que justement le parallélisme entre l’identité et la communauté est en train de disparaitre. Si vous habitez toute votre vie dans un petit village en Suisse au 16ième siècle, vous êtes la plupart du temps dans la même communauté et ces gens-là partagent votre trajectoire. Aujourd’hui chacun d’entre nous est une intersection unique de différentes formes de participation au cours du temps et à n’importe quel moment. Nos trajectoires sont donc uniques, et de moins en moins faites d’identité pré-fabriquée pour vous. Ce qui peut expliquer en partie une certaine résurgence du fondamentalisme. On va essayer de retrouver une identité simple et simplement partagée. Ce qui est extraordinaire c’est que l’accès ‘a l’information est aujourd’hui de moins en moins problématique, mais la question de savoir qui l’on est dans cet océan d’information devient problématique. Internet reflète cette question de l’identité et on le voit bien dans tous ces sites sociaux qui se créent, cette façon de dire qui je suis » mais par le même processus de demander « qui suis-je ? ».

Mais quelle différence établissez-vous alors entre cette notion de participation et la notion plus traditionnelle en sciences humaines de socialisation ?

On pourrait parler de socialisation dans certains contextes mais la vue de la socialisation est en général unidirectionnelle. Je n’ai rien contre le terme de socialisation mais ce terme en anthropologie a une histoire. Il est surtout utilisé Pour les enfants dans l’anthropologie traditionnelle. C’est un terme qui a plusieurs significations et qui assume presque trop l’idée que l’on passe de l’état animal à l’état socialisé. Il me semble que c’est un terme trop général pour parler de la relation entre un individu et les communautés dont il devient membre. Je pense pour ma part à la pratique comme un système auquel on participe. La participation est toujours une relation qui va dans les deux sens. Participer dans une communauté de pratique, c’est toujours s’enrichir des connaissances de la communauté mais aussi contribuer à l’identité de cette communauté et à changer cette communauté et sa pratique.

A cette notion de participation vous ajoutez celle de réification, montrant que c’est une dualité à partir de laquelle se négocie le sens de la pratique et la communauté.

Cette notion de réification a été utilisée dans le marxisme mais aussi dans la philosophie. C’est l’idée de donner à quelque chose d’abstrait une sorte d’existence physique, une réalité effective. Dans le marxisme, la réification est vue comme quelque chose de négatif. Les machines, les systèmes de gestion transforment le travail humain en une « chose ». Pour ma part j’utilise le terme réification dans un sens plus philosophique que marxiste, dans l’idée que les pratiques humaines créent des objets physiques et des objets mentaux et que ces pratiques attribuent à ces objets toutes sortes de significations qui ne sont pas contenues dans les objets eux-mêmes mais bien dans la pratique..

J’utilise ce terme pour montrer que les objets qui ont tellement de sens pour ces pratiques ne sont pas seulement la réflexion de ces pratiques, ils sont des points de focalisation qui permettent aux membres d’une communauté de pratique de s’engager les uns avec les autres, et forment des raccourcis dans la communication.

Notez bien que le processus de réification est toujours attelé au processus de participation. C’est toujours dans l’entre-jeu de ces deux principes que la signification se négocie. Il n’y a pas de signification l’un sans l’autre. C’est une polarité qui forme une unité. Mais il est important de les distinguer car les trajectoires de participation et les trajectoires de réification ne sont pas des trajectoires parallèles. Si un élément de       réification sort d’une pratique pour atterrir dans une autre, cela crée une nouvelle relation entre réification et participation et il n’est donc pas certain que            la signification soit la même. C’est une théorie du sens reliée à l’idée de communautés de pratique qui ont des frontières et ces frontières sont des moments dans le processus social où les relations entre la participation et la réification changent soudainement et donc où la négociation du sens est problématique.

Pratiquement cela veut dire que lorsque vous voyez une forme de participation ou une forme de réification, il faut toujours essayer de trouver où est l’autre si vous voulez comprendre la négociation du sens qui est possible dans une situation donnée. Quand un mémo de la direction atterrit dans une pratique comme celle du service de réclamation mentionné plus haut, quelles sont les formes de participation qui servent de contexte d’interprétation ?

Cette dualité participation/réification est à mettre en lien avec une autre dualité présente dans les communautés de pratique : continuité et discontinuité.

Nous parlions de frontières des communautés de pratique où un changement dans les relations entre la participation et la réification crée des discontinuités dans le monde social. Il ne faut pas présumer qu’il y a discontinuité de signification quand un objet voyage. Lorsqu’un objet voyage sa signification est renégociée. Quand on passe d’une communauté à une autre il y a une sorte de discontinuité mais une discontinuité qui peut être négociée. Il peut donc y avoir des formes de continuité au travers de cette discontinuité. Par exemple, la notion de courtier dans ma théorie, c’est quelqu’un qui a une appartenance à deux communautés et qui peut créer une continuité à travers la discontinuité. Ces notions de continuité et de discontinuité existent aussi dans le temps. Quand une communauté évolue, il y a des moments de discontinuité. Des grands changements technologiques peuvent par exemple créer des moments de discontinuité dans la pratique. Il faut alors se demander quels sont les processus de continuité qui permettent à des identités de survivre. L’identité ‘c’est une sorte de tension entre la continuité et la discontinuité.

Comment penser l’école au regard de votre théorie ?

Appliquer ce modèle à l’école, ça se passe à plusieurs niveaux. Au niveau de l’école elle-même, en tant qu’institution : quelles sont les pratiques qui s’y développent ? Et puis il faut se demander si ce sont des pratiques qui introduisent les enfants au monde ou qui existent simplement pour elles-mêmes. Il faut se demander également si les pratiques que l’on voit dans les écoles donnent un sens à ce que les enfants apprennent à l’école et au-delà de l’école. L’autre jour, je faisais des maths avec ma fille. Tout d’un coup elle se tourne vers moi et me demande « est-ce que tu as du plaisir ?» avec un regard étonné. On voit qu’elle avait appris toutes ses maths depuis des années mais elle n’avait jamais vraiment rencontré quelqu’un pour qui ça avait un sens. Elle n’avait jamais vu une identité pour qui ce n’était pas simplement un exercice mécanique.

Donc du point de vue de l’école, la question c’est : quel genre de visite est-ce qu’une école offre aux étudiants dans les pratiques ? Ce que les enfants apprennent à l’école a-t-il un sens dans leur vie ? Quand je parle de « visite », je parle de trajectoire vécue et pas simplement d’accumulations de connaissances. C’est une perspective qui va ainsi poser une question différente à l’école. Au lieu de poser la question « qu’est-ce que vous avez mis dans leur tête », c’est une perspective qui va leur poser la question « où est-ce que vous avez emmené ces enfants, qu’est-ce qu’ils ont vécu ? », « à quelles pratiques ont-ils pu participer assez pour avoir une fenêtre sur le sens que ces choses ont ?»

Si l’on suit vos analyses, l’école apparaît alors comme une institution dont précisément la pratique serait d’être à l’école ?

Exactement et c’est un problème. Pour des étudiants qui ont vraiment besoin de signification, de comprendre avec leur vécu, cela peut être frustrant. Plus encore, cela reproduit l’ordre social dans .la mesure où l’école ne fournit pas le contexte nécessaire et donc dépend des significations que les élèves retrouvent à la maison avec leurs parents. Si vous êtes fils d’un professeur d’université, vous avez accès à des formes de participation qui donnent un sens à l’école différent de celui d’un enfant dans la même classe qui n’a pas cet accès.

Ouvrir cet accès voudrait dire que les enseignants, avec Leurs identités vécues, doivent devenir en quelque sorte un curriculum vivant.

L’école entière, c’eut une communauté de pratique ?

Non, c’est une institution. Le problème, si vous pensez que l’école est une seule communauté de pratique, c’est justement de vous rendre aveugle à certaines discontinuités, à certaines frontières à traverser. Une de mes collègues, Pénélope Equerres, a étudié une école aux États-Unis dans cette perspective et elle a trouvé toutes sorte de communautés que les étudiants formaient et qui faisaient qu’ils apprenaient des choses tout à fait différentes à l’école, et notamment en terme d’identité. L’école est en fait une constellation de communauté de pratique plutôt qu’une seule. C’est la même chose pour une compagnie. Même si une; compagnie a un but commun, en général, il y a plusieurs pratiques qui doivent négocier leurs frontières pour faire prospérer cette compagnie. Dans une école on peut se demander s’il y a même un but commun.

Mais en tout cas, ce que cette collègue qui étudiait une école a trouvé, C’est qu’il y avait toutes sortes de communautés de pratique parmi les élèves et selon les communautés auxquelles ils appartenaient, ils avaient une expérience complètement différente de l’école. Il y a toutes sortes de compétences qui sont négociées entre les étudiants qui créent des pratiques locales et qui ne tombent pas sous l’empire de la définition de la compétence par l’école. Dans la mesure où certaines communautés de pratique sont invisibles, on ne leur parle pas. Il y a beaucoup d’enseignants qui ignorent complètement le fait que leurs élèves appartiennent à des communautés de pratique où on juge et où on renégocie ce qui se passe à. l’école, Et cela crée une sorte de vide pour les enfants. Souvent pour les enfants, ce que ça crée, c’est un choix périlleux entre une identité forte dans une communauté et ce que l’école propose. Mais je ne sais pas si c’est aussi fort en Europe qu’aux États-Unis.

Comment l’école peut gérer cette tension entre informel et formel, entre d’un côté des pratiques et des communautés de pratique que !es élèves mettent en place, et les demandes institutionnelles plus formelles ?

Un de mes plus grands espoirs et je ne sais pas si cela arrivera tant que je serai encore vivant serait que ces théories permettent à des institutions comme des écoles de plonger dans ce paradoxe plutôt que d’essayer de l’éviter. Cette obsession du curriculum. Cette obsession de ce que l’on va mettre dans la tête des étudiants est une obsession liée au monde industriel. Un des problèmes du modèle très industrielle des écoles d’aujourd’hui est que souvent les étudiants apprennent des choses un peu mécaniquement sans comprendre quels sont les communautés où ses connaissances ont un sens en tant qu’identité . Comme je vous le dis, mes enfants ont appris les maths sans jamais avoir eu accès à une personne pour qui c’est une forme de vie, une manière d’être dans le monde, une identité, un sens. Créer en masse des étudiants qui savent ceci ou cela c’est une vue industrielle de l’éducation qui n’est plus appropriée. D’abord parce que les connaissances changement tellement rapidement que l’on ne peut pas s’imaginer ce que l’on va mettre dans la tête des étudiants tout ce dont ils auront besoin pour leur vie ; ça n’a plus aucun sens. Il faut donc plutôt s’assurer que les étudiants sortent de l’école équipé d’une identité qui leur permette de s’engager dans le paradoxe de l’apprentissage.

Mais il faut bien reconnaitre que dans les systèmes scolaires aujourd’hui, il y a une sorte de discipline industrielle de l’école qui permet à l’institution de dire  « Nous avons mis ces choses-là dans le crane des étudiants et nous pouvons le le prouver et le tester ». Un des nouveaux espoirs, c’est le projet learning for a small planet, c’est de pouvoir équiper les écoles d’une théorie de l’apprentissage qui leur permettraient non pas de formalisé mais d’être rigoureux avec l’identité, qu’avec les questions de curriculum. Ca voudra dire s’ouvrir au monde, s’articuler à des communautés de pratique, développer des trajectoires intéressantes. C’est pour moi la direction future de l’école. Cette idée selon laquelle l’apprentissage se passe à l’école et que le reste c’est de l’application, ça n’a plus de sens. Mais avoir une institution qui se focalise sur la construction de trajectoires cohérentes, c’est très important.

Mais n’y a-t-il pas une tension, voire un paradoxe à vouloir formaliser l’informel ? Comment faire face à cette tension ?

C’est tout à fait un paradoxe, et c’est selon moi le paradoxe central des organisations du 21ième siècle. On ne peut plus simplement laisser l’informel et le formel s’ignorer l’un l’autre. Quand on parle d’une société d’organisation des connaissances, on parle à la fois des choses formelles et informelles. Le défi à venir pour les organisations c’est d’inclure l’informel dans le design de l’organisation, comme un partenaire tout à fait sérieux. Et l’on peut voir aujourd’hui que les organisations et les cadres sont en train d’apprendre à ça.

C’est une transition qui est en train de se passer dans les entreprises privées, dans les gouvernements et dans le monde civil.

Prenons Wikipédia par exemple qui repose plus sur un processus communautaire que sur une communauté spécifique. Mais il s’agit bien d’une formalisation informelle. Chacun peut éditer mais à un certain moment les choses se stabilisent. Cette stabilisation représente une sorte d’intelligence collective à cheval sur le formel et l’informel de façon très intéressante. Ce processus de l’informel s’accélère aujourd’hui et le web est certainement un (acteur d’accélération de ces processus informels au travers des blogs par exemple. Une heure avant que je vous parle, je discutais avec une personne qui, il y a dix ans, a commencé une liste de discussion avec des gens qui ont une maladie particulière et rare. Ils ont actuellement 2500 personnes clans cette communauté (le par le monde. Ils discutent de questions pratiques concernant leur vie de malade, de question de soins et de traitement, et même de questions de recherche pour comprendre ce qui se passe. Ils en parlent avec leur médecin. Cette communauté s’est aussi mise à interagir avec la communauté plus formelle de chercheurs dans ce domaine. C’est un développement extraordinaire où des structures sociales informelles basées sur l’apprentissage mutuel trouvent une nouvelle voix dans des institutions formelles.

Ce modèle den communautés de pratique peut servir à la fois de cadre d’interprétation, comme un outil d’intelligibilité à des observations, mais égaiement comme repère cour la propre participation d’un chercheur dans une communauté qu’il souhaite observer. Quelle est la place possible d’un chercheur dans une communauté de pratique, quel type de participation est possible ?

Il est difficile de comprendre une communauté simplement de l’extérieur. Il y a une sorte de vue intérieure de la communauté que l’on ne peut comprendre sans en avoir une expérience. La recherche en sciences sociales me semble être une pratique toujours à la frontière, et c’est donc accepter que l’on n’est jamais complètement dans un monde ou dans l’autre. C’est toujours un processus de négociation et d’identité qui est vrai et important pour nous chercheurs, et qu’il  faut rendre explicite. En même temps, c’est une question épistémologique complexe. Est-ce que les gens qui sont dans leur pratique comprennent leur pratique ? Il n’y a pas de point de vue universel dans cette théorie. On est toujours localisé dans notre propre trajectoire. Comprendre, c’est donc toujours un travail de réconciliation et de frontière que le chercheur doit vivre dans son identité propre. Et c’est aussi une expérience pour laquelle le chercheur doit trouver un canal d’expression pour inviter les autres à participer à ce processus

Quelles sont aujourd’hui les nouvelles perspectives théoriques sur lesquelles vous travaillez ? Apportez-vous des ajouts, des modifications,  de nouvelles perspectives à votre recherche ?

Ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est cette série de paradoxes  que nous avons évoqués qui définissent l’apprentissage au 21ième siècle, ce paradoxe entre formel et informel, entre l’individu et la collectivité, entre la localité et la globalité qui sont des paradoxes de l’identité. Maintenant on pourrait, se poser des questions sur la situation plus spécifique du 21ième siècle et s’interroger sur les relations entre communautés et identité quand les deux ne sont plus parallèles comme nous l’avons vu. Chacun de nous appartient à une série de communautés et chacun d’entre nous est une intersection unique de formes d’appartenance. La notion d’individu n’est pas prise comme un point de départ dans la théorie mais c’est une notion à laquelle on arrive en théorisant la complexité des formes d’appartenance. Un des points centraux d’une théorie de pratiques auxquelles nous appartenons.

Ce que je trouve également intéressant dans la question de l’identité, c’est qu’elle est le lieu, le locus de réconciliation de ces paradoxes, réconciliation jamais complète. La réconciliation est une manière de vivre le paradoxe plutôt que d’espérer le résoudre. Un paradoxe ne se résout pas, ça se vit. Pour moi, l’identité est devenue un élément essentiel de cette théorie, parce que c’est le lieu d’expérience de ces paradoxes, est-ce qu’elle est locale ou globale ? Les deux en même temps. L’identité est étirée, elle se forme dans ces paradoxes et ces paradoxes sont multiples. Le monde se globalise tout en restant local. Ces frontières locales vécues entre les communautés sont en mouvement. Les communautés changent très rapidement, il y a des questions de temps, d’espace. D’échelle, de cultures. On a toutes ces fenêtres qui s’ouvrent sur de, communautés auxquelles on n’appartient pas- C’est un phénomène assez nouveau si l’on regarde l’histoire de l’humanité. Il a trois ou quatre cents ans vous passiez la plupart du temps engagé dans une communauté à laquelle vous apparteniez. Mais si vous pensez au temps qu’on passe aujourd’hui à interagir avec des communautés auxquelles on n’appartient pas, en regardant des chirurgiens à la télévision, un match de football, etc. Nous sommes constamment confrontés à des communautés auxquelles nous n’appartenons pas. En même temps, on a des possibilités d’appartenir à des communautés globales qu’on pas pu imaginer il y a quelques années.

Je travaille également sur le projet « Learning for a small planet » qui est de créer un institut virtuel pour développer cette théorie de l’apprentissage en créant une sorte de réseau de projets de recherche qui appliquent cette perspective et la développent sur le modèle de l’open source. Les partenaires dans ce réseau appliquent cette perspective soit dans des contextes théoriques, dans des universités ou des étudiants font leur doctorat, soit dans des contextes pratiques, une entreprise qui veut appliquer cette perspective sur le développement des connaissances, Le projet c’est ; ainsi de créer un réseau de projets de ce type et de développer cette théorie des paradoxes de l’apprentissage aujourd’hui.

Sommaire du numéro 

REVUE PRATIQUES DE FORMATION-ANALYSES: LES COMMUNAUTÉS DE PRATIQUE

LE GRAND J.-L., VERRIER, C. (sous la dir.), 2008, Pratiques de formation-analyses : Les communautés de pratique, N°54, Université Paris 8.

Présentation du N°54 par Vincent Berry

SOMMAIRE

Articles

I- Sur les traces des communautés de pratique : le développement d’une théorie sociale de l’apprentissage.

Vincent Berry – Communautés de pratique : note de synthèse. P.11
Gilles Brougère – Jean Lave, de l’apprentissage situé à l’apprentissage aliéné.P.49

II- Au cœur des communautés de pratique : ethnographie, observation et participation.

Annie Goudeaux, Kim Stroumza, Marc Durand – Communauté de pratique et configuration d’activité : la légitimation de la pratique chez les accessoiristes du Grand Théâtre de Genève. P.67
Anne-Lise Ulmann – De l’apprentissage situé à la formation des sujets : L’exemple des intervenants sociaux judiciaires. P.79
Elisabeth Noël-Hureaux – Communauté de pratique et apprentissage par la pratique.P.93

III- Les communautés de pratique comme outils de gestion et de formation.

Eléonore Mounoud, Inès de La Ville – Peut-on manager les communautés de pratique ? Réflexions à partir de l’expérience de deux multinationales industrielles. P.107
Paul Olry – Communauté de pratique et pouvoir d’agir : points de vue de jeunes professionnels contrôleurs du travail. P.127

IV- Enjeux, limites et perspectives théoriques des communautés de pratique.

Stephen Billet – Les pratiques participatives sur le lieu de travail : apprentissage et remaniement de pratiques culturelles. P.149
Philippe Astier –  » …à force d’y aller… tu sais  » : cadre social et dynamiques d’apprentissage professionnel. P.165
Etienne Wenger –  » Genèse et perspective des communautés de pratique  » : entretien. P.177

NOTES DE LECTURE

Cherry Schrecker – La communauté. Histoire critique d’un concept dans la sociologie anglo-saxonne. (Jean-Louis Le Grand). P.191
Denis Thouard – Schleiermacher. Communauté, individualité, communication. (Leonore Bazinek). P.194
Sous la dir. Rui Vieira de Castro, Amélia Vitória Sancho, Paula Guimarães – Adult Education: New routes in a new landscape (Clarisse Faria-Fortecoëf ). P.197

RÉSUMÉ DE THÈSE

Thèse de doctorat en Sciences de l’éducation de Michel Alhadeff-Jones « Education, critique et complexité : modèle et expérience de conception d’une approche multiréférentielle de la critique en Sciences de l’éducation ». P.200

NOTE DE SYNTHÈSE

Habilitation à diriger les Recherches d’ Hélène Bézille  » Affiliations sociales, apprentissages et formation du sujet « . P.202

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[1] Entretien réalisé par Vincent Berry

[2] Il est toujours difficle de traduire agency en français. Nous proposons le terme « d’agir », l’agir mais avec la notion de signification et d’identité. Un robot agit mais il n’a pas « d’agency »Philippe Inowlocki, psychologue social

Bonne et heureuse année 2018

Healthy and happy new year 2018 !

Ki-learning.fr wishes to all its network and partners in 2018 to join new spaces of working and training 🙂

Bonne et heureuse 2018
Bonne et heureuse 2018 de la part de Philippe Inowlocki
Philippe Inowlocki, psychologue social

Publication : ENCYCLOPÉDIE D’ANALYSE DES ACTIVITÉS

Le site du CDFT annonce la parution de l’encyclopédie d’analyse des activités aux PUF avec des contributions de plusieurs de nos membres : Patrick Mayen président de RPDP,  Patricia Champy-Remoussenard, Laurent  Filliettaz, Simon Flandin, Luc Ria, Joris Thievenaz, ainsi que des articles, d’Yves Clot, Marc Durand, Jean-Marie Barbier.

  • Patrick Mayen : « Les activités qui se réalisent dans et par des interactions avec autrui »
  • Patricia Champy-Remoussenard : « La part cachée de l’activité de travail »
  • Simon Flandin : « Vidéo et analyse de l’activité »
  • Joris Thievenaz : « Repérer l’étonnement pour rendre compte des apprentissages par l’activité
  • Laurent Filliettaz : « L’activité énigmatique des tuteurs au prisme de l’analyse transactionnelle
  • Luc Ria : « Premiers pas professionnels : trois composantes dynamiques de l’activité des enseignants »,

BARBIER Jean-Marie. DURAND Marc (dir.). Paris : Puf, 2017

« À l’interface des mondes de la recherche et des métiers de la performance s’est constituée depuis une quarantaine d’années une nouvelle culture de recherche, prenant l’activité sociale et professionnelle comme objet d’analyse dans l’étude des transformations sociales. À la fois stratégie individuelle, vecteur d’action et de construction des identités, l’activité recouvre un champ très vaste de pratiques et de disciplines et fait aujourd’hui émerger des articulations inédites entre transformations intellectuelles et mutations sociales. L’Encyclopédie d’analyse des activités entend identifier ces activités humaines, les décrire, les comprendre et envisager des outils pour les transformer. Elle est le premier ouvrage à proposer une vue d’ensemble de ce champ. Résultat d’un travail collectif, réunissant plus de cinquante spécialistes de l’analyse des activités, elle s’adresse tant aux professionnels qu’aux chercheurs. »

Sur le site des Presses Universitaires de France

Vous avez commandé ce livre, faites nous part de vos impressions et recensions sur votre blog sur ce site, nous diffuserons ! 

Le Bureau

Philippe Inowlocki, psychologue social

Paradigme de l’Enaction, une histoire de chatons

Varela, Enaction, Une histoire de chatons, EMERGENCE, COMPLEXE D’ECHANGES, VOYAGEURS, ESSAI METHODOLOGIQUE, J. Theureau, CNRS/UTC, Compiègne
Source wikipedia https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Francisco_Varela.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les chatons.

[ ] Nous emprunterons à Francisco Varela – l’un des principaux promoteurs de ce paradigme de l’enaction – une histoire de petits chats. Il s’agit d’une expérience réalisée par deux chercheurs américains qui concerne justement l’orientation dans l’espace et son apprentissage. Chacun sait qu’à la naissance, les chatons sont aveugles. Deux chatons d’une même portée sont placés dans deux paniers séparés, eux-mêmes liés à un petit chariot que l’on déplace à certaines heures de la journée. Les deux chatons sont côte à côte: ils ont donc la même expérience visuelle, aux mêmes heures du jour. Mais le chaton n°1 est transporté passivement, il ne peut sortir du panier pour marcher, tandis que le chaton n°2 peut se déplacer activement lorsqu’on lui fait faire une petite promenade. Au bout d’un mois, on les laisse aller librement. On constate alors que le chaton n°2 se comporte comme un chaton normal, alors que le chaton n°1 se comporte comme s’il était aveugle: il ne voit pas les chaises, tombe de la table, etc…

Néanmoins son système visuel est intact. On en conclut que l’on ne peut séparer vision et action. Il n’y a pas du tout image externe que le système visuel et cognitif du chaton traiterait, mais une histoire d’activité. En résumé, les chatons doivent faire émerger le monde physique à travers leur activité. Certes, ce monde physique préexiste aux chatons, mais ces derniers doivent, de tout leur corps, le constituer comme monde visuel pour eux, à travers des cycles perception-action. Ces cycles créent des récurrences plus ou moins stables, ce que Varela appelle un “ couplage structurel ” entre chacun des chatons et le monde.  » source : CHAPITRE III: L’EMERGENCE D’UN COMPLEXE D’ECHANGES A TRAVERS LES TRAJETS DES VOYAGEURS: ESSAI METHODOLOGIQUE J. Theureau (CNRS/UTC, Compiègne)

Philippe Inowlocki, psychologue social

Vidéo : l’évaluation des apprentissages, Marc-André Lalande

Et si on donnait accès à internet pendant l’examen ?

Est-ce qu’on ne concevrait pas des évaluations de meilleure qualité ?

D’emblée, il nous est expliqué que l’évaluation est une patate chaude !

« L’évaluation est une démarche qui consiste à offrir une rétroaction, suite à l’analyse d’un processus, d’une réalisation ou d’une combinaison des deux. »

Différentes modalités d’évaluation nous sont décrites, en regrettant que les technologies n’interviennent pour automatiser l’évaluation des aspects de plus simple niveau de la pyramides de Bloom des objectifs d’apprentissage, comme la mémorisation et non pas les aspects mettant en oeuvre analyse, synthèse, mise en relations de concepts et de faits.

Citant le pédagogue Gervais Sirois : « On accorde de l’importance à ce qui est facilement mesurable plutôt que de trouver comment mesurer facilement ce qui est réellement important.  »

Marc-André Lalande est Conseiller pédagogique pour l’apprentissage en ligne à HEC Montréal.

Philippe Inowlocki, psychologue social

Autoformation et réseaux d’apprentissage (3) Philippe Carré cite Sandra Enlart

Intervenant dans le cadre de l’Université Ouverte de la Compétence le mardi 19 mars 2013, Philippe Carré a fait siennes les propositions et l’analyse de  Sandra Enlart, directrice générale d’Entreprise & Personnel dans un entretien accordé à l‘AEF

Sur la question de l’imputabilité des dépenses de formation professionnelle. Elle fait le constat d’

Un décalage de plus en plus impressionnant entre ce qu‘on appelle aujourd’hui formation, mais qui ne permet pas toujours d’apprendre, et les processus d’apprentissage qui sont à l’œuvre et qui permettent de professionnaliser et de développer les compétences.

Ainsi, elle identifie « cinq critères invariants qui permettent de penser qu’un salarié peut être considéré comme un « apprenant' » :

  1. l’implication dès la décision de départ en formation,
  2. la mise en place d’un « accompagnement pédagogique »,
  3. le « choix de la modalité pédagogique, en fonction du contexte de l’apprenant et du contenu [de la formation] »,
  4. la mise en place d’une « évaluation [qui] porte sur le transfert des compétences en situation professionnelle »
  5. et la « reconnaissance de l’apprentissage qui a été transféré ».

Elle estime qu’en s’appuyant sur ces cinq critères, il serait possible de repenser une définition de l’imputabilité des  actions pour le développement des compétences mais aussi d’ « innover autour de pratiques qui les respectent », ce qui permettrait notamment de faire « rentrer dans ce cadre la formation en situation de travail. »

Quant au tutorat de formation, il répondra aux attentes de l’invariant « Accompagnement pédagogique » si et seulement si, il est centré sur les processus d’apprentissage et non sur les contenus, il doit donc être assuré par un « pédagogue » dit-elle et non par un enseignant.
ici l’interview de l’AEF  « Financement de la formation : l’imputabilité devrait être abordée sous l’angle de l’efficacité pédagogique (Sandra Enlart, E&P) «  du 27 mars 2013

 Philippe Inowlocki, psychologue social

Autoformation et réseaux d’apprentissage (1), Rousseau toujours à la page

L’Emile de Jean-Jacques Rousseau parle de ces trois maîtres en éducation qui enseignent à tout être humain : Soi, les autres et les choses.
« Le développment interne de nos facultés et de nos organes est l’éducation de la nature, l’usage qu’on apprend à faire de ce développement est l’éducation des hommes ; et l’acquis de notre expérience sur les objets qui nous affectent est l’éducation des choses..Chacun de nous est donc formé par trois maîtres ». Cité par Philippe Carré lors de sa conférence à l’Université Ouverte des Compétences le mardi 19 mars 2013.

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Philippe Inowlocki, psychologue social

La controverse sur l’apprentissage inversé « Flipped Learning »

Dans un article de septembre 2011 , le blog du Monde Internet Actu rend compte de la conférence TED 2011 et de l’approche proposée par Salman Kan, venu présenter la Khan Academy, un dispositif rationnellement structuré de plus de 2000 vidéos éducatives (voir la présentation vidéo avec sous-titres en français). La Khan Academy présente tous les signes du succès avec  1 millions de visiteurs par mois regardant entre 100 et 200 000 vidéos par jour.

Peut-on apprendre en ligne ? | InternetActu.

L’approche pédagogique proposée a été nommée et retenue comme l’apprentissage inversée « Flipped Learning ». Depuis les projets se revendiquant de cette démarche ne cessent de se multiplier, avec en parallèle, des travaux d’évaluation qui viennent alimenter la controverse sur l’impact sur les apprentissages de la méthode.

Le site Thot Cursus sous la plume de Alexandre Roberge en propose une définition :

L’expression « flipped learning » est due à deux professeurs de sciences, Jonathan Bergmann et Aaron Sams, qui ont utilisé cette méthode d’enseignement dès 2006. En fait, pour eux, l’apprentissage inversé tient plus du principe[…] comme ils le disent dans un récent article, que d’une méthode à appliquer mécaniquement.

Rappelons les grandes lignes de ce principe d’apprentissage :

  • L’enseignant enregistre des capsules vidéos de cours magistraux, ou fait appel à des capsules existantes;
  • Les élèves les regardent à la maison sur Internet, sur leur ordinateur ou dans leur lecteur DVD selon les technologies qu’ils ont chez eux;
  • De retour en classe, les élèves mettent en pratique les notions des capsules visionnées par des tests, des projets, des travaux, etc. et demandent des précisions à leur enseignant s’ils n’ont pas tout compris.

Cette méthode qui prétend lutter contre le cours magistral propose donc de déplacer le cours magistral en dehors de la classe, en le mettant en scène dans des séquences vidéos, utilisant les codes de communication des jeux, en offrant par exemple des badges, des médailles donc, aux élèves qui auraient suivis le programme de formation dans l’ordre et plus vite que les autres.

L’innovation se trouve probablement, selon nous, dans l’application de l’univers langagier et graphique des médias ou des jeux grands publics ( musique, habillage vidéo, effets télévisuels).  Ainsi que dans le talent de l’animateur-enseignant à mettre en exergue à l’écran les idées-fortes et les concepts-clef.

A suivre :

Le flux rss twitter sur les mots clef : « Flipped learning » : http://search.twitter.com/search.atom?q=flipped++learning

 

Salman Khan : Utilisons les vidéos pour réinventer l’éducation | Video on TED.comTED Talks Salman Khan parle du pourquoi et du comment de la création de la remarquable Khan Academy, une collection soigneusement structurée de vidéos éducatives qui offrent un programme complet en mathématiques, et, maintenant, dans d’autres domaines.

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via Ted

Philippe Inowlocki, psychologue social

Les nouvelles technologies ne soutiennent pas (toujours) les capacités d’apprentissage

Une étude publiée en août 2010 dans le Journal of  Educational Psychology, a permis de mettre en évidence quelques principes simples de l’approche dites SOAR de l’apprentissage et lui a donné une certaine notoriété.

 

Elle observe que les étudiants, même ceux que l’on désigne parfois comme « Digital natives » ont tendance à étudier sur un écran d’ordinateur de la même manière qu’ils le feraient avec des documents papier.

Ils vont copier sans réfléchir des extraits, prendre des notes incomplètes ou mot à mot, élaborer de longues prises de notes qui rendent difficile la mise en relation et la connexion des informations entre elles ;  et en outre, ils s’appuient trop sur des exercices de mémoire comme la relecture ou le recopiage de leurs notes de cours.

Dans cette étude, il est observé que les évaluations sont de 29 à 63 pour cent plus élevées lorsque ils utilisent des stratégies d’apprentissage comme l’enregistrement de notes audio, la création de schémas comparatifs, établissent des associations de concepts et réalisent des exercices pratiques à l’écran ou avec un crayon.

La méthode d’étude SOAR

Le professeur Kiewra, professeur de Psychologie de l’Éducation à l’Université de Nebraska-Lincoln nomme sa méthode SOAR (To soar s’élever, monter en flèche en anglais) , elle décrit les stratégies suivantes : sélectionner les idées-clef d’un cours, organiser l’information avec des schémas comparatifs et des illustrations, associer des idées pour créer des connexions signifiantes entre elles et soutenir régulièrement l’apprentissage par des exercices pratiques.

Ces stratégies viendraient compléter les processus de traitement de l’information du cerveau, explique t’il.

Kiewra détaille : « L’apprentissage se produit mieux lorsque l’information importante est distinguée de l’information moins importante, en la décomposant en idées simples, quand l’information retenue est organisée graphiquement, quand un travail d’association entre les idées est effectué par l’étudiant et lorsque la compréhension est évaluée par des activités d’auto-évaluation régulières. »

Cette étude aurait vocation à orienter et guider les concepteurs pédagogiques pour le e-learning, en intégrant ces stratégies dans le choix des exercices qu’ils proposent, et les consignes même de mise en œuvre des activités à l’écran.

Les développeurs d’environnements technologiques pour la formation à distance, plate-forme (LMS) et outils-auteur pourraient également y trouver de nouvelles ergonomies d’interaction avec les ressources didactiques en ligne.

Proposer systématiquement des outils d’aide à l’apprentissage facilitant l’appropriation du cours, en permettant à l’étudiant de construire ses propres ressources à partir du matériel qui lui est fourni ( outil d’annotation de la ressource,  de création de cartes mentales – mindmap -, outil de citation, de captures d’écran, ….) en offrant un mixte d’outils numériques internes propres à l’environnement ou d’accès à des outils externes, logiciels et services en ligne.

A cela pourrait s’ajouter des outils de collaboration autour des ressources pour rester dans le paradigme socio-constructiviste qui est le nôtre,  mais nous dépassons là le cadre de cette étude.

Cette étude est intéressante car elle illustre un principe didactique : rédiger, transformer et organiser ses propres documents pour un étudiant, c’est en même temps faire un travail de construction de ses connaissances.
L’activité d’apprentissage est une activité mentale qui a été comparée par les didacticiens des situations professionnelles à celles mises en oeuvre dans les situations de travail.

A l’activité productive du travail (pédagogique ici) correspond toujours une activité constructive de nature cognitive,  source d’apprentissages et de développement de compétences .

Portail SOAR study skills :
http://soarstudyskills.com/educators/study-skills-curriculum/research-basis/

 

Sources : Helping students SOAR to success on computers: An investigation of the SOAR study method for computer-based learning.
Jairam, Dharmananda; Kiewra, Kenneth A.
Journal of Educational Psychology, Vol 102(3), Aug 2010, 601-614.Philippe Inowlocki, psychologue social

Le manifeste du collaborateur en réseau social

L’article de Michael Fauscette, consultant américain en systèmes d’information sur le site smart data collective propose un exercice stimulant de définition des conditions d’épanouissement professionnel des salariés à l’heure où les réseaux sociaux occupent une place « intime » dans l’existence de nos contemporains.

Il se livre à la rédaction du Social employee Manifesto, sous formes de listes, affirmant la nécessité de concevoir de nouvelles organisations du travail pour des collaborateurs hyper-connectés et socialement responsables. Ceci ayant nécessairement une visée pour améliorer la productivité des entreprises et en faire un avantage stratégique vis à vis de la concurrence.

Nous avons besoin d’un nouveau paradigme pour faire avancer les choses et intégrer dans les organisations un nouveau type d’employé qui a beaucoup de mal à travailler dans un système hiérarchique, allant du haut vers le bas ; et dans un environnement hautement contrôlé.

Il liste les affirmations suivantes :

  • Le salarié en réseau est à la recherche de coachs et de mentors mais pas de « patrons »,
  • Il est impliqué dans la résolution des problèmes quotidiens de l’entreprise mais sans « micro-management » de la part de sa hiérarchie car il a reçu de celle-ci des lignes directrices bien établies,
  • Il existe dans son entreprise une politique du travail et de la formation en réseau social,
  • Il a la liberté de choisir le matériel dont il a besoin comme les périphériques mobiles, les ordinateurs portables, etc, qui s’adapte à son style de travail individuel,
  • L’accès aux réseaux sociaux est sans limites,
  • Il a la liberté et la capacité à former des groupes de travail ad hoc en fonction des besoins pour résoudre les problèmes qu’il rencontrent dans ses missions,
  • Le systèmes d’information de l’entreprise est centrée sur le collaborateur (People centric) et est configurable individuellement pour chaque personne,
  • Les lieux de travail et les horaires sont souples lorsque cela est possible,
  • Le management est ouvert et transparent,
  • La communication se produit en mode multi-point,
  • « Co-branding » – le management rend possible l’association étroite de la « marque personnelle » du collaborateur avec celle de l’entreprise pour gagner plus d’impact sur le marché,
  • Une culture des processus de décision qui implique les collaborateurs,
  • Fonctionnement en communauté,
  • Éthique et responsabilité sociale, en tant que citoyen du monde,
  • Gestion par les résultats pas par les méthodes,
  • Partage du Contrôle des processus,
  • Des objectifs commerciaux clairs soutenus par une stratégie d’entreprise souple.


  • Dans ce cadre le collaborateur en réseau social va apporter à l’entreprise :


  • Une capacité à la résolution de problèmes en mode « distribué » car en réseau. Chaque employé peut résoudre un petit problème au quotidien de manière distribuée avant qu’ils ne deviennent des problèmes importants pour l’entreprise,
  • Créativité,
  • Une forte éthique du travail qui favorise la gestion personnelle des résultats et la recherche de niveaux élevés de productivité,
  • La responsabilité et des capacités d’évaluation,
  • Une forte marque personnelle,
  • L’engagement avec l’entreprise et la collaboration,
  • L’éthique personnelle,
  • Une capacité à représenter efficacement la marque de l’entreprise.

  • Remarques : A la lecture de Michael Fauscette, nous pouvons identifier que, au delà de l’autonomie du salarié, capacités métacognitives, apprenance, auto-directivité et responsabilité sociale personnelle deviendraient donc les compétences-clef nécessaires dans les nouvelles organisations industrielles en réseaux. Les entreprises se verraient contraintes de s’adapter à des générations montantes de jeunes diplômés, portés par ces nouvelles pratiques et cette nouvelle culture des organisations. Tout en y trouvant des opportunités pour faire évoluer leurs propres modes de management ; évolutions rendues nécessaires par les compétiteurs qui, eux, ont déjà adopté ces modalités de travail en réseau !

    Quelle serait le manifeste du « collaborateur en réseau social » dans le contexte français ?
    Quelles seraient les exigences des nouveaux collaborateurs pour travailler efficacement ?
    Quelles sont les exigences des employeurs qui vous semblent rédhibitoires concernant le partage de l’information ?

    Pourriez-vous chers lecteurs placer vos exemples pour le manifeste français du collaborateur en réseau social dans les commentaires de cet article, nous verrons s’il y a matière à le mettre à jour ?

    Philippe Inowlocki, psychologue social

    Chronique de Philippe Inowlocki : Isabelle Vinatier, Pour une didactique de l’enseignement (et du tutorat en formation à distance ?)

    Pour une didactique professionnelle de l'enseignement
    Pour une didactique professionnelle de l'enseignement
    La chronique qui m’échoit s’oriente en cette rentrée 2010 vers des comptes-rendus de lectures. Je m’intéresserai à des textes ouvrant des passerelles pour la construction de l’identité professionnelle des tuteurs en formation à distance et le développement de leurs compétences.

    Il en est ainsi des travaux sur l’Analyse des Pratiques professionnelles. Historiquement dans le champ de la Clinique, le docteur Michaël Balint, spécialiste des maladies psychosomatiques, dès les années 50 a proposé un paradigme de développement des compétences des personnes impliquées dans les relations d’aide et de soins. Ce paradigme reste particulièrement fécond dans le champ des sciences de l’éducation.

    D’autres travaux encore sur l’analyse des situations professionnelles ont pour origine les disciplines de l’ergonomie de tradition francophone, par exemple ceux de Jacques Leplat et de la psychologie génétique et du développement (Piaget, Vygotski, Bruner, Vergnaud).

    Si l’on considère l’actualité juridique en France, l’analyse de pratiques professionnelles est une dimension importante des directives ministérielle pour la formation des enseignants.

    Lire la suite :
    http://blogdetad.blogspot.com/2010/01/chronique-de-philippe-inowlocki.htmlPhilippe Inowlocki, psychologue social

    vidéo : P. Mayen (2020). Principes et méthodes pour les actions de formation en situation de travail.

     

    P. Mayen (2020). Principes et méthodes pour les actions de formation en situation de travail. Séminaire de la DCFA sur les AFEST, 10 mars 2020. Université de Lille, Campus Cité scientifique.

    A l’invitation de l’Université de Lille, Patrick Mayen propose dans cette conférence une réflexion sur les principes de la loi sur l’AFEST (Action de Formation en Situation de Travail).


    Philippe Inowlocki, psychologue social

    Communications et symposium du colloque de Sherbrooke 2019

    Vous trouverez dans ces liens une version « à chaud » des communications individuelles et dans le cadre des symposiums. Nous avons sollicité des versions pour publication sur laquelle nous travaillons. les liens permettent d’accéder directement à la bonne page dans le fichier pdf qui est d’ailleurs téléchargeable pour une consultation hors ligne.

    Sommaire des communications individuelles – textes complets

    Sommaire des communications
    des symposiums-textes complets

    com individuelle symposium

    Philippe Inowlocki, psychologue social

    Communications et symposium du colloque de Sherbrooke 2019

    Vous trouverez dans ces liens une version « à chaud » des communications individuelles et dans le cadre des symposiums. Nous avons sollicité des versions pour publication sur laquelle nous travaillons. les liens permettent d’accéder directement à la bonne page dans le fichier pdf qui est d’ailleurs téléchargeable pour une consultation hors ligne.

    Sommaire des communications individuelles – textes complets

    Sommaire des communications
    des symposiums-textes complets

    colloque de didactique professionnelle
    colloque de didactique professionnelle à Sherbrooke oct 2019

    Philippe Inowlocki, psychologue social

    Communications et conférence de Patrick Mayen du colloque de Sherbrooke 2019

    Conférence d’ouverture du colloque par Patrick Mayen

    Sommaire des communications individuelles – textes complets

    Sommaire des communications
    des symposiums-textes complets

    Philippe Inowlocki, psychologue social

    relance pour le colloque RPDP

    L’association Recherches et pratiques en didactique professionnelle et la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, en collaboration avec l’UQAM, l’UQAR, l’UQAC et l’UQAT, 
     
    souhaitent vous rappeler la tenue du 5e colloque de didactique professionnelle à Montréal, 23 – 25 octobre 2019.
     
    Toutes les informations nécessaires sont disponibles sur le site internet de l’événement https://www.fourwav.es/rpdp2019
     

    Il est encore temps de proposer une communication ou un symposium et sous la forme d’un simple résumé : date limite le 14 avril 2019.
    Pour nous contacter : info-rpdp2019@usherbrooke.ca
     

    Au plaisir de vous avoir parmi nous en octobre,
     
     
    Le comité d’organisation

    Philippe Inowlocki, psychologue social

    Veille en didactique professionnelle TALÉRIEN Stéphane ; Le développement professionnel des enseignants expérimentés par la transmission explicite de pratiques entre pairs

    Résumé

    Ifé – Veille et analyses

    Auteur(s) : TALÉRIEN Stéphane Date de soutenance : 2018 Section(s) CNU : section 70 : Sciences de l’éducation Sous la direction de : Stefano BERTONE Jury de thèse : Stefano BERTONE ; Jacques MEARD ; Sébastien CHALIES ; Frédéric SAUJAT « La littérature scientifique internationale montre la réalité des apprentissages informels des enseignants sur leur lieu de travail, au sein des établissements scolaires.

    Date et lieu de soutenance : 2018, « La littérature scientifique internationale montre la réalité des apprentissages informels des enseignants sur leur lieu de travail, au sein des établissements scolaires. Toutefois ces apprentissages présentent plusieurs limites et sont qualitativement de moins bonne qualité que les apprentissages réalisés en environnement organisé. La présente recherche a précisément pour objet le développement professionnel des enseignants expérimentés à travers un dispositif de formation continue prenant en compte leurs apprentissages informels. (…)Philippe Inowlocki, psychologue social

    Monique Linard, Parution de « Des humains & des machines. Hommage aux travaux d’une exploratrice ».

    Les Editions Raison et Passions nous prient d’annoncer :« Des humains & des machines. Hommage aux travaux d’une exploratrice ».

    Ce livre réunit 40 chercheurs et chercheuses de disciplines diverses en hommage aux travaux pionniers de Monique Linard.

    Il a été coordonné par Brigitte Albero, Stéphane Simonian et Jérôme Eneau.

    « Certaines personnalités ont la capacité d’inspirer le travail des autres. C’est le cas de Monique Linard dont les travaux pionniers ont constitué des appuis pour plusieurs générations d’enseignants-chercheurs en sciences humaines et sociales. Cet ouvrage rend hommage à son parcours libre et curieux qui a exploré avec constance plusieurs aspects fondamentaux des relations entre l’action humaine en général, l’apprentissage en particulier, et les technologies à forte composante cognitive, emblématiques des cinq dernières décennies. »
    Pour une présentation de l’ouvrage en PDF

    Pour commander directement le livre : www.raisonetpassions.fr

    Philippe Inowlocki, psychologue social

    La notion d’intelligence en didactique professionnelle (épisode 2)

    Une conduite intelligente, qu’est-ce que c’est ? Relecture de l’ergonome Maurice de Montmollin.

     

    Dans son article de 1992, cité, dans le texte précédent, Pierre Pastré utilise l’expression de « conduite intelligente ». On retrouve cette expression en ergonomie et en psychologie du travail, disciplines qui sont une des sources d’inspiration et des cadres de références de la didactique professionnelle.

    Revenons à un texte important qui est le livre de l’ergonome Maurice de Montmollin, contemporain de la période de création de la didactique professionnelle, intitulé : « L’intelligence de la tâche »[1]. Maurice de Montmollin s’est intéressé à la formation, comme les psychologues du travail, Jacques Leplat et Annie Weill-Fassina, ou, plus avant encore, Faverge et Ombredane, qui ont inauguré la tradition de l’ergonomie dite de langue française, et ont développé l’idée selon laquelle l’analyse du travail et l’intérêt porté à l’activité des travailleurs sont indispensables à l’intervention ergonomique et à la conception de la formation. L’un de ses ouvrages, précédant L’intelligence de la tâche est consacré à l’analyse du travail pour la formation[2]. Il figure donc parmi les précurseurs de la didactique professionnelle.

    Dans son livre ; publié en 1986, l’expression « l’intelligence de la tâche » est convoquée, dans un contexte de transformation du travail, en rupture avec le cadre de l’organisation taylorienne du travail et des évolutions technologiques. C’est donc bien, dans une première approche, la tâche, qui est qualifiée d’intelligente et c’est parce qu’elle est intelligente, qu’elle requiert de la part des opérateurs (ceux qui travaillent, dans le vocabulaire de l’ergonomie) des conduites intelligentes. De Montmollin prend la précaution de souligner que l’intelligence de la tâche n’apparaît pas avec les systèmes, les machines et l’informatique des années 1980 : « Ce n’est pas qu’hier le travail n’exigeât aucune intelligence, et que tout ouvrier fut nécessairement muni de gros bras et d’une petite tête. Chacun sait que toute tâche, fut-elle classée « manuelle », exige de l’intelligence. Mais à l’évidence les nouvelles technologies ont transformé la nature des composantes mentales de toutes les tâches. » (P.8) Il précise un peu plus loin ce qui, pour lui, et l’ergonomie, est alors en jeu, lorsque le travail « comporte une composante intellectuelle prédominante » en raison des « progrès des nouvelles technologies » : « Plus précisément, parce que les problèmes soulevés par ces progrès sont trop souvent sous-estimés ou mal résolus. Problèmes mal résolus, par exemple dans le nucléaire, où les incidents mineurs sont fréquents, et où l’on craint toujours un accident comme celui de Three Mile Island, que l’association de l’intelligence des ordinateurs avec celle des opérateurs ne suffit pas à éviter. Problèmes sous-estimés, très souvent, en ce qui concerne la conduite et la surveillance d’innombrables dispositifs plus ou moins automatisés. (…) Problèmes enfin des répercussions des nouvelles tâches sur les travailleurs eux-mêmes, soit qu’on parle de fatigue et de charge mentale, soit qu’on parle de compétence insuffisante, et de la conscience de cette insuffisance. » (P.9) La fin de ce passage porte sur la compétence, et est significative de l’intérêt de Montmollin pour cette question.

    Plus globalement, ce sont les aspects « mentaux » ou « intellectuels » du travail qui intéressent De Montmollin, dans son livre et les défis que l’intelligence du travail pose à l’analyse du travail pour l’ergonome et le formateur.

    Dès l’introduction, De Montmollin apporte des éléments de définition de ce qu’est l’intelligence de la tâche, et on peut constater qu’elle est fondée sur deux caractéristiques associées : « les tâches complexes » et « les problèmes à résoudre ». On trouve ainsi une grande proximité entre Pastré et De Montmollin. Avec humour, il intitule l’un de ses paragraphes : « la complexité des tâches complexes et des conduites complexes. » (p IV).

    Il précise aussi ce que sont les caractéristiques des tâches complexes, dont nous ne présenterons pas ici le détail, mais les principaux traits : multiplicité des variables, évolution des variables, interconnexion et articulation des variables, simultanéité des tâches, interaction du système avec l’opérateur, (qui, par son action, peut modifier les évolutions des variables du système), caractère aléatoire et surprenant des événements, symbolique, durée et hystérésis des actions (lorsque les phénomènes peuvent évoluer lentement et souterrainement), pluralité des opérateurs.

    Ces caractéristiques ne s’appliquent certainement pas seulement aux situations de travail touchées par l’évolution des technologies, même à l’époque où De Montmollin écrit son livre. Elles nous sont, en tous les cas, très utiles, car elles constituent des catégories d’observation et d’analyse du travail, de tout travail, en particulier du point de vue des compétences et de la formation. En effet, dans une perspective d’analyse didactique professionnelle, chacune des caractéristiques proposées par De Montmollin, est une caractéristique critique, du point de vue des exigences « intellectuelles » pour reprendre ses termes, et par conséquent, de la compétence de ceux qui travaillent avec ces caractéristiques, et, donc, in fine, constituent des caractéristiques critiques pour la formation. Une partie de ces caractéristiques seront reprises dans les travaux de l’ergonomie cognitive et notamment pour définir les situations à environnements dynamiques.

    Aux tâches complexes, répondent « les conduites complexes ». On peut s’amuser un peu avec l’expression employée par De Montmollin en se disant que certaines conduites complexes ne répondent pas nécessairement à la complexité et pourraient même accroître encore la complexité de la tâche et en réduire les possibilités de résolution. Dans la vie et dans le travail, on peut même observer des conduites complexes pour des situations simples qui ne produisent généralement rien de bon. Mais revenons à De Montmollin et à ce qu’il entend par conduites complexes qu’il définit ainsi : détection et discrimination des informations, décodage et codage, planification des actions et donc anticipation, prises de décision dans l’incertitude, travail en temps partagé dû à la simultanéité des tâches, résolution de problème, diagnostic par lesquels il s’agit de comprendre une situation plutôt que d’appliquer une procédure, de poser le problème avant de le résoudre. (p.VI). De Montmollin parle enfin « de l’impossible compétence, c’est ainsi qu’on pourrait baptiser l’objectif aujourd’hui assigné aux opérateurs confrontés aux tâches complexes. Il leur est demandé d’être tout à la fois les exécutants très scrupuleux des procédures officielles, souvent nombreuses, et contradictoirement, d’être capables de diagnostics pertinents et de procédures alors par eux-mêmes inventées. Il s’agit d’heuristiques, non seulement d’algorithmes. » (pVII).

    Bien qu’il revienne plus loin sur l’importance de la résolution de problème comme tâche et comme activité, la liste qu’il propose ici, de ce qui correspond à conduite intelligente ne s’y réduit pas, et cela nous intéresse. C’est l’ensemble de ces activités intelligentes qui supposent donc une attention dans l’analyse du travail et dans la conception et la conduite de la formation. Même si la résolution de problèmes est, comme le souligne Pastré, en même temps une forme d’action à développer par la formation et un moyen didactique pour le faire, d’autres formes d’activité sont en jeu dans le développement de l’intelligence professionnelle et dans celui de l’intelligence tout court.

    De Montmollin adopte une définition de Maurice Reuchlin des « conduites intelligentes » : « les conduites peuvent être aujourd’hui définies comme un ensemble d’actes (…) caractérisés par l’organisation que leur impose la fin poursuivie, consciemment ou non, rationnellement ou non, par l’organisme. » (p.22). De Montmollin utilise aussi les termes de « composantes intelligentes de l’activité ou les activités intelligentes, de l’opérateur, les procédures et les méthodes mises en œuvre lorsqu’il s’efforce d’accomplir une tâche. » (p.63)

    Il précise enfin plusieurs points essentiels, à propos de la résolution de problèmes. Tout d’abord, il écrit « … à vrai dire toute tâche présente à l’opérateur des « problèmes » à résoudre, y compris celles qui apparaissent les plus routinières, dans la mesure où aucune tâche n’est jamais exactement identique à elle-même dans le temps, ce qui oblige l’opérateur – lui-même d’ailleurs en évolution – à s’adapter en permanence à une situation toujours plus ou moins un peu nouvelle. » (p.73) Il poursuit en écrivant que : « Il convient d’être ici un peu plus restrictif dans la définition des conduites de résolution de problème, afin d’éviter que ces conduites ne finissent par correspondre à n’importe quelle tâche, ce qui interdirait de les analyser efficacement. »

    Enfin, il en vient au cœur de la question de l’intelligence professionnelle : « Commençons par une apparente évidence : il y a résolution de problème lorsqu’il y a problème à résoudre. Autrement dit, (ce qui est moins évident) lorsque l’opérateur ne connait pas parfaitement, au début de son travail, les procédures pour parvenir à la résolution de son problème (…) qui implique donc une certaine invention de la part de l’opérateur qui doit se créer son propre chemin pour atteindre le but fixé. » (p.74).

    De Montmollin dont le livre est contemporain des débuts de la didactique professionnelle, apporte ici un certain nombre d’éclairages sur ce qui peut être entendu comme l’intelligence professionnelle. Dans l’idée de créer son propre chemin pour atteindre le but fixé, s’exprime l’enjeu de développement de la formation.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    [1] De Montmollin, M. 1986. L’intelligence de la tâche. Berne ; Peter Lang.

    [2] De Montmollin, M. 1974. L’analyse du travail, préalable à la formation. Paris ; Armand Colin.

    Philippe Inowlocki, psychologue social